FORTUNIO by Théophile Gautier

FORTUNIO by Théophile Gautier

Auteur:Théophile Gautier [Gautier, Théophile]
La langue: fra
Format: epub, mobi
Éditeur: Les Bourlapapey Bibliothèque numérique romande
Publié: 2013-03-02T16:39:05+00:00


CHAPITRE XIII

Les jours filaient, et Fortunio ne paraissait pas.

Toutes les recherches de Musidora avaient été inutiles. – Le mot d’Arabelle : « Fortunio ce n’est pas un homme, c’est un rêve », lui revenait en mémoire.

En effet, il était si beau qu’il était facile de croire, lorsqu’on l’avait vu, à quelque révélation surnaturelle. – L’éclat étourdissant au milieu duquel il était apparu à Musidora contribuait beaucoup à cette poétique illusion, et quelquefois elle doutait de la réalité comme quelqu’un qui aurait vu le ciel entrouvert une minute, et qui, le trouvant ensuite inexorablement fermé à son regard, en viendrait à se croire dupe d’une hallucination fiévreuse.

Ses amies vinrent lui porter de perfides consolations, avec de petits airs ironiquement dolents et des mines joyeusement tristes. Cinthia lui conseilla, dans toute la sincérité de son cœur de bonne fille, de prendre un nouvel amant, parce que cela l’occuperait toujours un peu. – Mais Musidora lui répondit que ce remède, bon pour Phébé et pour Arabelle, ne lui conviendrait nullement. Alors Cinthia l’embrassa tendrement sur le front et se retira en disant : « Povera innamorata, je ferai dire une neuvaine à la Madone pour le succès de vos amours. »

Ce qu’elle fit religieusement.

Musidora, voyant que toute lueur d’espoir était éteinte et que Fortunio était plus introuvable que jamais, prit la vie en grand dégoût et roula dans sa charmante tête les projets les plus sinistres. – En brave et courageuse fille, elle résolut de ne pas survivre à son premier amour.

« Au moins, se dit-elle, puisque j’ai vu celui que je devais aimer, je n’aurai pas la lâcheté de souffrir qu’aucun homme vivant touche ma robe du bout du doigt : je suis sacrée maintenant ! – Ah ! si je pouvais reprendre et supprimer ma vie ! si je pouvais rayer du nombre de mes jours tous ceux qui ne t’ont pas été consacrés, cher et mystérieux Fortunio ! Je pressentais vaguement que tu existais quelque part, doux et fier, spirituel et beau, un éclair dans tes yeux calmes, un sourire indulgent sur tes lèvres divines, pareil à un ange descendu parmi les hommes ; – je t’aperçus, tout mon cœur s’élança vers toi ; d’un seul regard tu t’emparas de mon âme, je sentis que je t’appartenais, je reconnus mon maître et mon vainqueur, je compris qu’il me serait impossible d’aimer jamais personne autre que toi, et que le centre de ma vie était déplacé à tout jamais. Dieu m’a punie de ne t’avoir pas attendu ; mais à présent je sais que tu existes ; – tu n’es pas un fantôme, un spectre charmant envoyé par le sang de mon cœur à ma tête échauffée ; je t’ai entendu, je t’ai vu, je t’ai touché ; j’ai fait tous mes efforts pour te rejoindre, pour me jeter à tes pieds et te prier de me pardonner, et de m’aimer un peu. – Tu m’as échappé comme une ombre vaine. Il ne me reste plus qu’à mourir. Savoir que tu n’es pas un rêve et vivre, c’est une chose impossible.



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